Le projet de recherche Autres archives, autres histoires: les archives d'en bas en France et au Québec mené conjointement entre le Québec (Université Laval) et la France (Université d'Angers) étudie, dans une approche comparative et non institutionnelle, les relations entre archives et pouvoir ainsi que les modalités d'émergence, d'affirmation et d'animation de projets d'archivage alternatifs. Il s'agit de regarder les archives "par en bas", de décentrer le regard, de porter une interrogation dynamique et d'observer les processus d'émancipation et l'agentivité (la capacité d'agir) qui traversent certains projets d'archivage. Cette perspective a pour ambition d'étudier la manière dont les marges archivistiques sont habitées. Dans cet article, nous aborderons trois cas d'étude qui donnent corps à cette réflexion, à savoir les archives de communauté au Canada et au Québec, les archives des radios communautaires et les archives étudiantes en France. Ces différents points de vue ont pour objectif d'étudier la manière dont les archives structurent une identité, une mémoire, une histoire, un patrimoine et dont les pratiques s'articulent autour d'un objet, d'une communauté ou d'un thème.

     Lorsque l'on considère l'exploitation des archives à des fins de création, le domaine archivistique se transforme complètement. Le cadre de référence servant à justifier l'utilité des archives, les fonctions qu'elles remplissent, l'importance des conditions d'utilisation, leur rapport à la mémoire tant individuelle que collective, la conception même des archives et de leur cycle de vie changent du tout au tout. Le but de ce texte de conférence d'Yvon Lemay est de faire état des avancées que ce phénomène représente, selon lui, pour la discipline archivistique. Elle constitue un bilan des recherches menées sur l'exploitation artistique des archives, plus particulièrement dans le domaine des arts visuels, depuis 2007. À la suite des travaux effectués, en collaboration avec des étudiantes à la maîtrise et au doctorat, six aspects apparaissent aujourd'hui essentiels à considérer. L'auteur présente d'abord ce qui caractérise chacun de ces aspects pour ensuite souligner de quelle façon ils contribuent à jeter un tout autre éclairage sur la discipline archivistique.

     La fragilité d'une feuille de papier aux textures anciennes, une note manuscrite, un objet découvert dans un cahier, un dessin à la marge, des signes du passage du temps, un contexte particulier sont autant d'éléments qui peuvent faire surgir l'émotion. Les archives n'ont pas uniquement le pouvoir de témoigner et d'informer mais elles ont aussi le pouvoir de susciter les émotions le plus variées. C'est cet aspect des archives qui a été exploré lors d'un atelier organisé par l'Association des archivistes du Québec en mars dernier. Yvon Lemay et Anne Klein en font un compte rendu détaillé. À partir de l'étude de cinq cas réunissant des documents provenant des fonds et des collections du Service des archives de l'Université McGill, les participants ont pu mesurer le pouvoir d'évocation des documents d'archives et la variété d'émotions qui en découlent. Qu'il s'agisse du document lui-même, de la connaissance du contexte de sa création, du bagage personnel des participants ainsi que des sensibilités individuelles, l'atelier a démontré le fort potentiel évocateur des archives. La valeur émotive des archives dans la pratique archivistique, que ce soit pour la description, l'indexation, l'évaluation ou la diffusion a aussi été l'objet de discussion et d'échanges entre participants. Selon les auteurs, l'atelier a permis aux participants d'améliorer leur compréhension de la dimension émotive liée aux archives.

     En 2011, la Division de la gestion de documents et archives (DGDA) de l'Université de Montréal a accueilli en résidence l'artiste montréalais Denis Lessard. L'oeuvre de l'artiste, une installation d'écrans plats diffusant des contenus textuels et iconographiques tirés des fonds d'archives de la DGDA, fut placée dans le hall du pavillon abritant le service des archives de l'Université. L'article rend compte de cette première expérience de résidence d'artiste dans un service d'archives québécois. Après une présentation de l'artiste et de sa démarche créatrice, qui l'a souvent amené à exploiter le matériel d'archives, les auteurs décrivent son projet de résidence et le processus de création de l'oeuvre. À la lumière d'échanges avec l'artiste, les auteurs soulignent quatre aspects importants à la réalisation du projet : la bonne relation entre l'artiste et l'archiviste, la signature d'une lettre d'entente détaillée entre l'artiste et le service d'archives, une bonne entente sur la diffusion des produits réalisés et enfin, des conditions financières adéquates. Ce dernier aspect, dans le contexte actuel, est problématique car les ressources financières sont à toutes fins pratiques inexistantes. Le potentiel créatif que représentent les archives est encore loin d'être pleinement exploité. Les auteurs concluent à la nécessité pour les services d'archives de faire preuve d'initiative dans la recherche de financement pour une collaboration accrue avec les artistes.

     À partir d'exemples d'utilisation de matériel d'archives par des artistes contemporains tels que Dominique Blain, le groupe ATSA (Pierre Allard et Annie Roy) et Patrick Altman, les auteurs cherchent à comprendre comment l'émotion vient à l'archive. Ce questionnement est important dans la mesure où il permet de révéler une face cachée des archives. Les auteurs visent à montrer que la rencontre émotionnelle des oeuvres d'art réalisées à l'aide de documents d'archives n'a, au plan archivistique, rien de circonstancielle. L'émotion engendrée vient à la fois du travail de mise en scène de l'artiste et de l'archive elle-même. Elle est aussi fondamentale que le sont les fonctions d'information et de témoignage, généralement reconnues comme étant le propre des archives. Un constat qui laisse entrevoir des perspectives des plus enrichissantes pour la discipline archivistique.

     Si les archivistes connaissent bien la valeur documentaire des archives de leur service, peu jusqu'à ce jour ont exploité la valeur artistique des fonds qu'ils détiennent. Les auteurs offrent ici une facette singulière de la diffusion des archives, puisqu'ils se sont penchés sur le programme de résidence d'artistes dans les services d'archives de la ville de Winnipeg et celui du London School of Economics, avant de résumer le projet « Ghosting » de l'organisme Picture This impliquant trois artistes et plusieurs services d'archives du Sud-Ouest d'Angleterre. L'article porte notamment sur les objectifs visés, les critères de sélection des projets, les règles et conditions de réalisation, l'encadrement, le travail de collaboration archiviste-artiste et la diffusion de chaque programme. Les auteurs concluent que les retombées des programmes de résidences d'artistes étudiés s'avèrent bénéfiques ; on ose espérer que ces expériences sauront inspirer de nombreux autres services d'archives.

     Afin de souligner les travaux de Jacques Grimard, décédé récemment, Yvon Lemay a créé une entrevue fictive avec celui-ci par le biais de ses archives textuelles, en l'occurrence des textes d'articles rédigés entre 1989 et 2006. Lors de cet entretien, Jacques Grimard dévoile sa vision de l'archivistique et les principaux enjeux et défis auxquels l'archiviste est confronté en ce début de millénaire. Il se prononce entre autres sur l'importance des archives pour une société ; sur la gestion, la préservation, l'accès et la numérisation des documents, et sur les avantages et difficultés qu'engendre la multiplicité des supports de documents. Tout en dénonçant au passage le sous-financement du secteur des archives au Québec, Jacques Grimard fait revivre les débuts et l'évolution de l'archivistique, en rappelant le rôle et les qualités de l'archiviste en cette période où l'inflation de l'information sur l'Internet devient préoccupante.

     En étudiant les sites Web des services d'archives universitaires au Canada, le but de l'auteur est de vérifier dans quelle mesure ces sites intègrent les moyens et activités de diffusion des archives, voire les font progresser. Pour ce faire, il fait d'abord le point sur la question de la diffusion afin d'établir une grille d'analyse en fonction de laquelle sera examiné le contenu des 26 sites Web retenus dans le cadre de cette recherche. Après un portrait d'ensemble, les résultats sont présentés en détail selon sept moyens de diffusion compris dans la grille d'analyse, à savoir: la publication, la reproduction, l'exposition, les activités culturelles ou de formation et les liens. L'analyse des résultats comprend également un gros plan sur les services d'archives universitaires au Québec. L'auteur termine en soulignant une tendance importante qui se manifeste dans le milieu des archives universitaire : un phénomène d'intégration.